Rémy, après un arrêt dans sa carrière de pratiquant d'aviron en bateau repris l'aviron indoor lors du premier challenge qui a vu naître la FIRT. Il ne devait pas se douter à ce moment précis qu'il mettait le doit dans un engrenage qui le conduirait jusqu'à devenir un accro de l'ultra distance sur le rameur Concept2. Il revient pour nous sur son deuxième 24h00 en solo, qui lui permet un magnifique record de France ! |
C’est au cœur de l’été que je me suis mis dans l’idée de retenter les 24h00 de l’Hourdin.
Au début par équipes, je me suis ensuite résolu à le refaire en solo. Après la grosse performance de l’an dernier qui s’était soldé par un record de France porté à 267341m, je pensais le faire tranquillement cette fois-ci afin de préparer les prochaines échéances.
C’était sans compter sur Pierrick Moscatello mon valeureux partenaire en 2015 qui m’indiqua en Août vouloir s’attaquer au record du monde de sa catégorie qui se situe autour des 278 kms.
Cela signifiait également qu’il entendait faire battre en brèche ma suprématie nationale dans cette épreuve.
Mon âme de compétiteur ne pouvait pas le laisser faire aussi facilement.
Après un été passé à améliorer ma puissance, j’ai repris mi-aout l’entrainement spécifique pour du long basé sur des séries d’entrainement de 1h00 à 2h30 chaque jour ou presque.
En comparant avec mes données de l’an passé, j’ai sereinement abordé l’évènement car mes scores étaient légèrement meilleurs cette saison.
Le jour J, j’ai vite repris mes marques dans cette agréable petite salle des fêtes de Plédeliac.
Content de retrouvé Pierrick, et heureux d’apprendre que Vincent Hourdin sera aussi de la fêtes en solo, à nos côtés, le tandem des rennaises Florence et Nelly ainsi que deux teams, la première avec l’association Cloé et celle du club des avirons d’Armor. Chacun prends plus ou moins de temps pour préparer son matériel mais les FIRTiens ne sont pas les plus rapides dans cette discipline (et surtout moi qui déménage ma maison à chaque épreuve).
Vendredi 30 Septembre, 19h00 : le départ va être donné, le palpitant s’emballe un peu, il va falloir y aller, plus moyen de faire demi-tour.
J’ai fixé mon objectif pour cette épreuve à 280 Kms, je pense que c’est possible pour moi en évitant les erreurs que j’ai pu commettre l’an passé. Pour cela, Il me faudra le plus longtemps possible ramer sous les 2’20/500m et limiter les pauses aux maximum. Je pars comme à mes habitudes assez vite, en tout cas hors de portée des autres concurrents qui prennent rapidement plusieurs centaines de mètres de retards. 1h00 : Presque 15kms parcourus avec une moyenne de 2’01, je me demande si je ne suis pas parti un peu vite ! 3h00 : le premier marathon passé, je fais une première pause de quelques minutes. |
4h00 : 55 kms parcourus et 5kms d’avance sur le tandem femme suivi du reste des troupes
6h00 : 80 kms, Pierrick a stoppé son effort après 5h00 de course terrassé par son corps, il a préférait intelligemment en rester là plutôt que de risquer sa santé. Ça m’a fait un choc tellement je sais ce qu’il m’a apporté dans le dernier tiers de la course l’an dernier. J’accuse le coup mais je réussi à rester concentré alors que je me retrouve de fait isolé des autres concurrents.
Les 100 kms seront passé en 7h29.35 soit moins de 2’15 de moyenne pauses comprise (j’avoue avoir un peu appuyé mon effort et réduit drastiquement la pause précédente pour passer sous les 7h30)
10h00 : 130 Kms, tout va bien. Je respecte mon plan de course.
12h00 : 150 Kms, on entame la descente, dans n’importe quel type de course on sentirait la fin se rapprocher mais pas ici, l’expérience fait que je sais que l’épreuve ne fait que commencer.
14h00 : 174 kms, je commence à avoir du mal à tenir les 2’20. De rapides simulations me permettent de voir qu’en gérant la fin de course, je peux assurer les 280 kms voulue au départ.
17h00 : 207 kms, je me mets à trop réfléchir en pensant à ce qu’il me reste à parcourir pour atteindre mon objectif et l’idée d’abandonner me traverse même l’esprit. (Pourquoi est-ce que j’ai demandé l’heure qu’il est ?)
18h00 : J’essaie d’oublier ce que je suis en train de faire et de prendre chaque heure une à une, pour cela les spectateurs qui commence à venir en nombre tout comme les nombreux bénévoles qui ont pour certains passés la nuit avec nous m’encourage. Chaque petit mot, chaque regard avec les autres rameurs me reboost pour continuer. Il me suffit de tenir 2’30/500m pour battre mon record et atteindre mon objectif.
19h00 : les douleurs au dos, aux avant-bras et aux cuisses se font de plus en plus intenables mais je le savais avant même de commencer la course que cela arriverai. Je me rassure en me disant que cela a commencé plus tard que l’an dernier.
20h00 : Jean Pierre Gorin m’a rejoint et sa compagnie m’aide à penser à autre chose qu’à cette souffrance de chaque coup de rame.
21h00 : Sylvie Le Tallec et son mari m’accompagnent également maintenant, bientôt suivi d’Alain Mangin, ils discutent de choses et d’autre autour de moi et ça m’aide à passer cette partie de course qui avait été horrible l’an passé avec une grosse fringale.
Chaque pause que je fais est un vrai supplice, je mets une bonne minute rien qu’à réussir à me lever de l’ergo. J’ai les bras durs comme de la pierre et les jambes qui flagellent mais il faut y retourner. Encore trois heures, plus que trois heures ………
22h00 : 260,5 kms, mon record est tout proche, il me faudra 40 minutes pour faire ces 7 kms !!! Je ne peux pas me reposer plus de une ou deux minutes, sinon je n’atteindrai pas mon objectif.
23h00 : 271 kms, …..
Je veux faire ces derniers mètres au maximum, le chrono descend et lorsque j’entre dans la dernière minutes, je lâche les chevaux, je ne fais plus attention à la douleur et essai de rester souple, je sais que cela ne sert à rien mais ça fait un bien fou de pousser, je descends le compteur à 1’24/500 dans ces dernières secondes. J’entends le public qui réagit, nous sommes en train d’en finir avec ces 24h00 d’effort, quelle folie !!!
Le soulagement, pas une satisfaction mais un soulagement. Le sentiment du devoir accompli. Jamais je n’avais poussé mon corps dans de tels retranchements. J’apprendrai même quelques jours plus tard que je me suis déplacé au moins une côte pendant la course, c’était ça ma douleur au dos !
Chacun d’entre nous a fait son maximum. Vincent qui bat son record de France 20-29 Lwt, les filles qui ont souffert sans rien laissé paraitre pendant les dernières heures et qui ont mis là une première très grosse marque chez les féminines en 40-49 Lwt.
Cette aventure est bien sûr individuelle mais impossible à réaliser seul.
Un énorme merci aux bénévoles des Avirons d’Armor qui ont géré magnifiquement l’organisation de cet évènement. Aux amis de la FIRT venus nous encourager, ça fait tellement de bien dans ces moments délicats et au public qui ne comprends pas bien ce que font ces fous furieux sur leurs machines.
« Ne dis pas que c’est impossible, tente le. » ou comme dirait Raphael « Just Row it »
1 Rémy Coubel 282157 m 2:33.1
2 Avirons d'Armor 275690 m 2:36.7
3 Les Rennaises 272416 m 2:38.6
4 Vincent Hourdin 247200 m 2:54.8
5 Association CLOE 208769 m 3:26.9
Dans la matinée, j'apprends que Pierrick a dû abandonner au bout de 5 heures. Ca fend le coeur quand on pense aux heures d'entraînements et à son état d'esprit quand il a fallu prendre la décision de s'arrêter. Désormais, il reste Nelly et Florence en tandem, Rémy et Vincent en solo.
16h : j'arrive sur place. Surprise en découvrant les rameurs: ils ont déjà 21 heures de rame dans les pattes, quelque 200 kilomètres au compteur mais ils ont le sourire! Bon, c'est vrai qu'à ce stade, le plus gros est fait et l'arrivée de visiteurs un peu plus nombreux annonce la fin du supplice. Plus que 3 heures, encore 3 heures! La souffrance est perceptible et ça donne envie de filer un coup de main, prendre le relais pour soulager... mais on ne peut qu'être présent(e) avec nos encouragements.
16h40 : je prends Florence et Nelly en photo : elles ne me croient pas quand je leur dis qu'elles ont l'air fraîches... vues de l'extérieur. Bon, on sent quand même qu'à l'intérieur ça doit faire mal!
16h50 : pour Vincent, c'est dur, très dur mais sa détermination est toujours présente. Sa famille se relaie près de lui pour le soutenir.
17h10 : Remy et Vincent font une pause en même temps, s'échangent quelques mots. Eux seuls peuvent savoir ce qu'ils endurent. Sourires, une petite tape dans le dos et c'est reparti.
17h40 : Record de France battu (267 341 m) ! Rémy douleur mais Rémy vainqueur ! Il a encore 1h20 à tenir.
18h15 : Vincent reprend après une nouvelle pause. Elles se font plus fréquentes, plus longues. Les traits tirés, ça fait mal et ça se voit. Moins d'une heure avant la délivrance et il faut tenir.
18h20 : Florence assure pendant que Nelly est en pause avant d'entamer la dernière demi-heure. Ignorant ses proches douleurs, Florence s'inquiète de Pierrick qui lui répond : " Je serais plus en forme si j'étais passé sous un camion mais ça va ;-) Courage, plus qu'une heure !".
18h35 : Finish pour Florence. Elle dédie ses derniers mètres à Pierrick à moins de 1'59 à 38 c/mn.
18h40 : Rémy dédicace le seuil des 278 229 km à Pierrick - le record du monde dans sa catégorie, un objectif pour lequel Rémy devait lui servir de lièvre.
18H55 : Rémy s'arrête de ramer. Il arrive à peine à se lever pour retirer son siège en mousse. Il est évident qu'il va piquer un sprint pour l'arrivée. Dernière minute, il se lance et passe même à 1'25 à 55 cpm. Hallucinant! Il n'aura plus de jus pour les 10 dernières secondes. Il a tout donné. Record du monde avec 282 157 km ! Fin du combat!
19h00 : on arrête les compteurs. Applaudissements: c'est fini... Non, pas tout à fait parce qu'il y aura demain et après-demain : ces jours où chaque mouvement est un effort et une douleur, où on compte ses muscles un par un.
Alors, à moi qui n'ai jamais fait qu'un marathon, tu me demandes mes impressions sur eux et ces 3 heures passées jusqu'à l'arrivée ? De l'admiration! On parle de dépassement de soi mais je crois que c'est au-delà. Se fixer un tel objectif et tenir en dépit des souffrances, ça demande une force physique et un mental vraiment hors du commun - le propre des grands sportifs. Un détail : il faut tenir 24 heures...
Je regarde encore le film de la dernière minute de Rémy, quelle émotion! On en aurait mal pour lui. Le pire, c'est qu'il est capable de recommencer!
NB : Je regrette de ne pas avoir pu suivre en même temps les autres rameurs/euses car tous les 3 ont eu beaucoup de mérite. Et comme je dis, au-delà du score, ils sont tous vainqueurs sur tous ceux qui n'ont pas osé!